Il est temps d’interdire les jets privés.
C’est la mesure qui punit le moins de personnes pour les impacts climatiques les plus importants et les plus immédiats. C’est une question de justice.
Comment demander à la population de faire des efforts si les plus riches sont exclus de tout ? ⤵️ pic.twitter.com/co4L50Aejd
— Julien Bayou (@julienbayou) 20 août 2022
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En effet, les différents chiffres qui sont apparus ces dernières semaines concernant le recours aux vols privés font froid dans le dos. Il y a d’abord eu l’explosion du compte @Iflybernard qui a révélé tous les vols de jets appartenant à nul autre que… les milliardaires Bernard Arnault ou François-Henri Pinault. Mais pas seulement. D’autres statistiques ont mis en évidence la surreprésentation de ces avions à réaction dans les chiffres globaux du trafic aérien. En France, un avion sur dix qui décolle est un jet privé. Cependant, il perdrait dix fois plus qu’un avion conventionnel. Un chiffre a également émergé ces derniers jours : 50 % des émissions de CO2 du transport aérien proviennent des jets privés. Mais d’où viennent ces données et sont-elles fiables ? 20 Minutes fait le point.
FAUX
50%… le pourcentage semble astronomique. Or, ces données ont été révélées dans un rapport publié en mai 2021 par l’ONG européenne Transport and Environment – qui cherche à promouvoir une politique de transport et d’accessibilité fondée sur les principes du développement durable. “Seulement 1% des personnes sont responsables de 50% des émissions mondiales de l’aviation”, expliquaient alors les auteurs de l’étude. Selon le même rapport, la surreprésentation de ces vols privés a un impact disproportionné par rapport aux vols commerciaux. L’ONG explique qu’en une heure, un seul jet privé peut émettre deux tonnes de CO2. En comparaison, l’empreinte carbone d’un Européen moyen est de 8,2 tonnes par an. Aussi, selon le rapport, les jets privés sont « 5 à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux (par passager) et 50 fois plus polluants que les trains ».
avions vides
En plus d’être plus polluant, l’étude de l’ONG Transport et Environnement montre que les jets privés voyagent souvent à vide ou avec très peu de passagers (4,7 personnes en moyenne). Aussi, comme le soulignait déjà [email protected], les avions privés sont le plus souvent utilisés pour de très courtes distances. Selon l’étude, la moitié des vols privés couvrent des trajets de moins de 500 km. A titre de comparaison, la même part pour les vols commerciaux ne dépasse pas le quart.
Le souci, selon l’étude, est que ce constat ne devrait pas disparaître. Entre 2005 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 31 % pour les vols privés, contre 25 % pour les vols commerciaux européens (ce qui n’est déjà pas négligeable). “Si cette tendance se poursuit, les émissions de l’aviation privée en 2050 auront doublé par rapport aux chiffres de 2010”, s’inquiète l’ONG Transport et Environnement.
Puisqu’on parle d’un jet privé, voici un comparatif de l’empreinte carbone d’un vol entre Londres et New York. La différence entre un vol en classe économique et un jet privé est tout simplement énorme. Source: realworldvisuals pic.twitter.com/R4nMJUQ82O
– Bon Pote (@BonPote) 20 août 2022
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De pire en pire?
D’autant que la crise sanitaire du Covid-19 pourrait aggraver cette tendance. “La crise sanitaire a convaincu de nouveaux clients de se tourner vers les vols privés”, soulignent les auteurs, citant l’exemple d’une des compagnies spécialisées GlobeAir. Entre 2019 et l’été 2020, l’entreprise a augmenté ses ventes de 11,3 %. Une étude de marché citée par l’ONG montre également que le secteur du jet privé pourrait exploser de 50% entre 2020 et 2030. Ainsi, en publiant son étude, l’ONG Transport et Environnement a appelé les entreprises et les particuliers à s’engager à “réduire substantiellement l’utilisation des avions privés”. Il a également proposé, d’ici 2030, une taxe sur les billets et le carburant des jets privés “pour tenir compte de leur impact disproportionné sur le climat”.
Quelques faits
Une question demeure : l’ONG Transport et Environnement est-elle complètement neutre dans la publication de ces données, ou a-t-elle des intérêts à représenter ? En fait, il existe si peu de statistiques que l’EBAA – l’Association européenne de l’aviation d’affaires – publie un rapport mensuel sur les données de l’ensemble de l’industrie. Le constat est simple et similaire à l’étude : ces dernières années on a constaté une augmentation significative des jets privés par rapport aux vols commerciaux. Cependant, aucune trace d’émission de CO2 n’est rapportée dans ces études. Statistiques de l’EBAA dans le rapport de juillet 2022 – EBAA D’où proviennent les données Transport et Environnement ? Selon la méthodologie de recherche, l’ONG a sélectionné les compagnies les plus utilisées en Europe, qu’il s’agisse de vols commerciaux ou privés. Ensuite, avec l’outil EuroControl Master – qui calcule le nombre d’émissions de CO2 par vol – ils ont pu extraire l’empreinte carbone de chaque vol, en tenant compte du nombre de passagers. Quant aux analyses appliquées à l’aviation privée, les données ont été fournies par l’EBAA, explique l’ONG. Cependant, les données sur les avions privés ne comptent pas seulement les vols en jet privé. Cette catégorie comprend également les avions militaires et les ambulances, dont les éléments ne peuvent être exclus.
Propositions à venir
Des mesures seront-elles prises dans les années à venir en France ? Dans un entretien au Parisen, le porte-parole du ministre des Transports Clément Beaune a appelé ce week-end “à agir et réguler les vols de jets privés”. Des propositions sont annoncées pour la rentrée, dans le cadre du “Plan Rein” que le gouvernement a mis en place. Mais pour l’instant, rien de concret. De son côté, le patron écologiste Julien Bayou a assuré aux colonnes de Libération qu’”il ne manque pas de plomb” pour interdire à l’avenir les jets privés. « Demander un petit prix aux multimillionnaires de la jet-set ne changera rien. Un passager en jet privé émet 10 fois plus d’émissions qu’un avion. Pour corriger cette injustice, il faut les interdire purement et simplement”, a-t-il même répondu au gouvernement sur son compte Twitter.