Pourquoi la crise énergétique inquiète les investisseurs
Les prix de l’énergie sont au plus haut niveau d’Europe. Le Vieux Continent, fortement dépendant du gaz russe, souffre d’une crise énergétique qui a de nombreuses conséquences sur l’économie. Le prix du gaz naturel européen avait bondi de plus de 20% en une semaine lundi pour atteindre 295 euros le mégawattheure (MWh), proche des records établis au début de la guerre en Ukraine, a relevé La Tribune. L’Europe est fragilisée par sa proximité géographique avec la guerre en Ukraine et par sa dépendance au pétrole et au gaz russes. Dans cette période d’incertitude, le dollar a retrouvé depuis plusieurs mois son statut de valeur refuge, ce qui explique son renforcement face à l’euro. Dans ce contexte déjà tendu, la Russie a de nouveau annoncé qu’elle devra fermer le gazoduc Nord Stream 1, qui fournit l’essentiel du gaz russe à l’Europe, entre le 31 août et le 2 septembre. Ce que mettent en lumière les craintes de pénurie et d’envolée des prix du gaz naturel en Europe. “L’évolution des prix de l’énergie et la question de l’approvisionnement sont très préoccupantes, et c’est ce qui explique ce mouvement” vers la baisse de l’euro, a déclaré à l’AFP Erik Nelson de Wells Fargo. La monnaie européenne n’est pas seule en cause. Le Royaume-Uni est également rattrapé par cette crise et la livre sterling n’a guère fait mieux que l’euro lundi face au dollar. Il a flirté avec son niveau de mars 2020, au début de la pandémie, à 1,1760 $ la livre. Fortement dépendante des approvisionnements russes, la Hongrie a vu le forint tomber à un plus bas historique face au dollar à 411 forints pour un dollar. Et les incertitudes ne devraient pas s’atténuer de si tôt. “L’épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’Europe est là pour rester”, a averti à l’AFP Kit Juckes, analyste chez Société Générale.
Parce que le risque de récession plane sur l’Europe
La crise énergétique en Europe alimente également les craintes d’une récession. “Cela augmente le risque d’un ralentissement économique important d’ici la fin de l’année” dans la zone euro, a déclaré à l’AFP Shaun Osborne, de la Banque Scotia. L’une des conséquences de la hausse des prix de l’énergie est l’inflation en Europe. Il avait commencé à augmenter avec la reprise de l’économie après le Covid-19 et a augmenté avec le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Il a atteint 8,9 % en juillet 2022 dans la zone euro. En Allemagne, il pourrait « dépasser 10 % dans les mois à venir », préviennent Les Echos. La hausse des prix de l’énergie provoquée par le conflit est particulièrement pénalisante pour la forte industrie allemande. La croissance en Allemagne a stagné au deuxième trimestre, plombée par l’accélération de l’inflation dans le sillage de la guerre en Ukraine, qui pèse sur le pouvoir d’achat et l’activité industrielle, selon l’institut allemand de statistiques Destatis. La plus grande économie d’Europe se débat dans “un environnement économique mondial difficile, avec la pandémie de Covid-19, des chaînes d’approvisionnement perturbées, la hausse des prix et la guerre en Ukraine”, a déclaré Destatis dans un communiqué. “La plupart des preuves montrent maintenant que nous sommes au bord d’une récession”, a commenté Jens-Oliver Niklasch, analyste à la banque LBBW. A l’approche de l’hiver, le risque de récession plane sur l’Allemagne et, par extension, sur l’Europe. Bien que ses prévisions de croissance restent positives, le FMI les a revues à la baisse pour la zone euro. Son rapport sur les perspectives de l’économie mondiale prévoit une croissance du PIB de 2,6 % en 2022 et de 2 % en 2023 pour la zone euro, en deçà de ses prévisions précédentes. Cette incertitude incite, là encore, les investisseurs à se tourner vers le dollar. Pour ne rien arranger, la domination du dollar face à l’euro forme un cercle vicieux. Le coût des importations augmente pour les Européens avec une monnaie moins forte, notamment celle du pétrole, en dollars. En six mois, la hausse des prix du pétrole brut a atteint 66 % en dollars, mais 78 % en euros, note Le Figaro. Cela augmente encore l’inflation pour les ménages et les entreprises. Une tendance qui est là pour durer. “Après avoir brièvement touché la parité avec le dollar en juillet, l’euro devrait cette fois se stabiliser durablement en dessous et s’échelonner entre 0,95 et 1 d’ici la fin de l’année, estime Lee Hardman, spécialiste du change à la banque MUFG, dans Le Figaro. La crainte d’une récession en Europe augmentera à l’approche de l’hiver en raison de la crise énergétique et ne semble pas s’atténuer.”
Parce que la Fed relève ses taux plus vite que la BCE
La valeur du dollar est soutenue par la politique monétaire de la banque centrale américaine, la Fed. Pour contenir l’inflation aux États-Unis, elle augmente ses taux d’intérêt. Mais la Banque centrale européenne (BCE) ne peut pas suivre. Les craintes d’une récession en Europe pourraient empêcher la BCE d’augmenter les taux d’intérêt de manière aussi agressive. De plus, les conséquences seraient différentes pour les États membres. Une hausse des taux d’intérêt fragiliserait des pays déjà en difficulté, faisant craindre une nouvelle crise de la dette souveraine. Ce cadre place la BCE dans une situation “très difficile”, a déclaré à l’AFP Erik Nelson de Wells Fargo. Une hausse de son taux directeur lors de sa prochaine réunion du 8 septembre, attendue d’un demi-point, “soutiendrait un peu l’euro”, mais “au risque d’aggraver la situation économique” de la zone. Même si elle devait encore augmenter d’un demi-point, après une hausse similaire en juillet, la BCE n’égalerait pas l’écart de la Fed, que les opérateurs voient maintenant augmenter les taux pour la troisième fois consécutive de 0,75 point en septembre. La différence de taux se reflète dans les taux obligataires. L’écart entre le rendement des obligations d’État américaines à trois mois et celui de l’Allemagne, pour la même durée, était lundi à son plus haut niveau depuis près de trois ans. Outre la poursuite du resserrement, le président de la Fed, Jerome Powell, pourrait souligner “la probabilité que l’inflation reste élevée pendant un certain temps, … et que les taux d’intérêt restent également élevés pendant un certain temps”, a déclaré Shaun. Osborne de la Banque Scotia à l’AFP. Après avoir évalué une éventuelle baisse des taux de la Fed au cours des premiers mois de 2023, le marché ne l’évalue qu’à la fin de l’année prochaine, ce qui contribue à soutenir le dollar.