Pourquoi cette pathologie, qui était en voie de disparition, resurgit-elle dans nos régions ? Sommes-nous bien préparés à faire face à son retour ? Qu’en est-il de la couverture vaccinale contre la polio des Québécois? Autant de questions auxquelles nous essayons de répondre.

Comment expliquer cette recrudescence de la poliomyélite dans des pays comme le nôtre ?

Le virus de la poliomyélite détecté dans les eaux usées de New York et de Londres (et chez la personne qui a développé une paralysie) a été identifié comme une souche dite dérivée du vaccin. Cette dernière s’est probablement produite dans un pays en développement où la couverture vaccinale est insuffisante et où le vaccin oral atténué est administré plutôt que le vaccin injectable inactivé utilisé ici. Le vaccin oral atténué est constitué de virus vivants. Bien qu’affaiblie, cette matière fragilisée se multiplie néanmoins dans les intestins des enfants qui la reçoivent, qui la passent dans leurs selles pendant plusieurs semaines après la prise d’une dose. Ces virus peuvent alors circuler dans l’environnement et infecter des personnes non vaccinées. En se reproduisant, ils finissent par muter et peuvent retrouver leur capacité à provoquer une infection pouvant provoquer une paralysie. “Il est possible que, par l’intermédiaire d’un voyageur, une souche vaccinale de poliomyélite redevenue infectieuse ait été introduite, et lorsqu’un jeune adulte non vacciné [à New York] est entré en contact avec cette souche, a développé des symptômes de paralysie », explique Dre Caroline Quach, pédiatre et microbiologiste-infectieuse au CHU Sainte-Justine.

Les Québécois sont-ils bien protégés contre la poliomyélite?

Au Québec, les enfants sont vaccinés contre la poliomyélite en quatre étapes : les bébés reçoivent d’abord des doses de vaccin à 2 mois, 4 mois et 12 mois, puis une dose de rappel entre 4 et 6 ans. , juste avant d’arriver à l’école. Ces doses font généralement partie d’une formule associant plusieurs autres vaccins, notamment la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et Haemophilus influenzae taper B. « Ce vaccin est très efficace, il procure une immunité à vie si les enfants reçoivent toutes les doses prévues au calendrier vaccinal », souligne le Dr Nicholas Brousseau, membre du Comité québécois d’immunisation. Selon la plus récente enquête de couverture vaccinale menée au Québec, en 2019, 96,1 % des enfants sur le point d’entrer à l’école avaient reçu les quatre doses recommandées de vaccin. En revanche, le tableau est moins clair pour les adultes car “le carnet de vaccination est un peu trop fiable” pour eux, précise le Dr Quats. Autrefois, lorsque la poliomyélite était présente dans le pays, « cette maladie faisait très peur, car les gens pouvaient être paralysés à vie et enfermés dans une cage en acier pour les aider à respirer. Lorsque le vaccin est arrivé à la fin des années 1950, les gens ont fait la queue pour l’obtenir. Ainsi, les adultes sont aussi très bien couverts », souligne le Dr. Brousseau, cependant, avant de rappeler que le dernier cas de poliomyélite au Québec remonte à 1995.

Quel vaccin est administré au Québec?

Comme dans tous les pays développés, au Québec, les enfants sont immunisés contre la poliomyélite à l’aide d’un vaccin trivalent inactivé administré par injection. Le vaccin est dit trivalent car il contient des virus inactivés des trois souches sauvages du virus de la poliomyélite : le type 1, qui circule toujours au Pakistan et en Afghanistan ; type 2, éradiqué en 2015. et type 3, éradiqué en 2019. Ce vaccin protège également contre le virus de type 2 dérivé du vaccin qui a été détecté dans les eaux usées de Londres et de l’État de New York. “Le vaccin contient la souche sauvage de type 2. Même si le virus qui provient de la souche vaccinale n’est pas exactement le même, il se produit une immunité croisée qui protège également contre ce virus”, explique le Dr Brousseau., La Dre Judith Fafard, directrice du Laboratoire de santé publique du Québec, explique qu’« un vaccin inactivé est constitué de fragments de virus ou de protéines virales. Il n’y a donc rien qui puisse se multiplier dans notre corps lorsque nous recevons ce vaccin. Un vaccin inactivé est plus sûr que le vaccin oral vivant atténué [car la personne vaccinée n’excrète pas de virus vivants qui pourraient infecter d’autres personnes]par contre, c’est un peu moins immunogène.” Constitué de virus vivants mais affaiblis, “le vaccin oral prévient les infections qui causent la poliomyélite, alors que le vaccin inactivé ne prévient que les complications, que les formes graves de la maladie”, ajoute le Dr. Quatches.

À quoi ressemblent les symptômes de la poliomyélite ?

Environ 70 % des infections qui surviennent chez les enfants sont asymptomatiques et ne sont donc pas détectées. Cependant, les individus asymptomatiques excrètent le virus dans leurs selles. Environ 24 % des personnes infectées présentent des symptômes bénins : fièvre, fatigue, maux de gorge et maux de tête. Une méningite non mortelle, caractérisée par une raideur du cou et du dos, ainsi que des maux de tête sévères, peut survenir dans 1 à 5 % des cas. Seule une infection sur 200 (0,5 %) entraîne une paralysie, le symptôme le plus effrayant. Et parmi les personnes qui développent cette complication, 2 à 5 % mourront si cela affecte leurs muscles respiratoires.

Que recommanderaient les experts si le virus de la poliomyélite migrait au Québec?p

Puisque la maladie est présente dans l’État de New York, il n’est pas impossible qu’elle apparaisse au Québec, disent les experts. « Si le virus arrive, il y a de fortes chances qu’il y ait des infections — les jeunes Québécois ont pour la plupart reçu le vaccin injectable inactivé, qui ne prévient pas nécessairement les infections, un peu comme le vaccin contre la COVID. Mais comme on a une bonne couverture vaccinale au Québec, ça n’aurait pas d’importance », dit le Dr Quach. Seules les personnes non vaccinées risquent d’être très malades : le jeune adulte de New York qui a récemment développé une paralysie ne l’était pas, souligne-t-il. La poliomyélite se transmet principalement par voie féco-orale, comme l’hépatite A. “C’est pourquoi il faut bien se laver les mains quand on va aux toilettes”, explique le Dr Fafard. « Et si jamais les parents ont des enfants dont le calendrier de vaccination est retardé […], il serait important de s’assurer que leurs vaccinations et celles de leurs enfants sont à jour. »

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